27 victimes : 12 pêcheurs et 15 canotiers
En rentrant au port de Kérity par mauvais temps, ce 23 mai 1925, deux bateaux de pêche, le Saint-Louis et le berceau de Saint-Pierre chavirent près du port. Les canots de sauvetage de Kérity et de Saint-Pierre sont mis à l’eau pour secourir les naufragés, mais dans la mer déchaînée, près de la roche La Jument, les deux canots de sauvetage chavirent aussi. Les canotiers sont précipités à la mer et ne peuvent remonter à bord des canots qui se retournent plusieurs fois, et dérivent rapidement vers la côte.
Deux bateaux de pêche qui ont assisté au naufrage interviennent : L’Arche d’Alliance, patron François Larnicol, qui sauvera 5 marins dont un décèdera, le Gérard Samuel, patron Eugène Le Gall, qui recueillera 7 naufragés, dont 2 inanimés qui ne pourront être ramenés à la vie.
Témoignage d'Yves Gourlaouen
«J’étais embarqué comme mousse sur le côtre L’Arche d’Alliance sorti en mer à 5h30 par un temps variable pour la pêche au chalut, peche à l’ouest des Etocs, trois milles environ. Le chalut est jeté à la mer à 6h30, toujours par un temps favorable, mer belle, une vent variable du sud fraîchisant assez rapidement, le premier trait de chalut devant durer jusqu’à 10h00. Mais à 9h30, le patron le patron François Larnicol, donne l’ordre de ramener le chalut à bord, et ensuite route terre direction le port de Kérity.
En passant par le chenal de La Jument la mer devenait de plus en plus forte sur une grosse houle. Devant nous pour emprunter le chenal de La Jument, se trouvait le chalutier Saint-Louis, oatron Julien Dupuis, chaviré à un mille environ. Comme nous étions engagés sur le même trajet, notre patron a pris l’initiative de continuer pour sauver l’équipage. Quelques instants après, le Berceau de Saint-Pierre, patron Vincent Larnicol, frère de notre patron, chavira à son tour à un mile environ de nous. Nous avons pris les dispositions pour pouvoir envoyer parmi les récifs de Men Laou. A ce moment nous avons été rejoints par le canot de sauvetage de Kérity, commandé par Joseph Jégou.
La première des choses qu’il nous a demandées : ”Où sont les naufragés ?” Réponse de notre patron : “Ils sont au vent de nous, à quelques centaines de mètres”. Un instant après, le canot de sauvetage chavira. Pour nous le travail devenait de plus en plus dur. Nous avons quand même pu sauver cinq marins : trois du canot de sauvetage et deux des deux chalutiers. Nous aurions pu en sauver plus mais l’écoute de misaine a cédé. Le patron du canot de sauvetage de Kérity nous avait dit : “Sauvez d’abord les naufragés qui sont au vent de nous, moi ensuite”. Au lieu d’avoir une brassière il en avait deux, la deuxième récupérée à la dérive, perdue par un de ses compagnons.»
Le drame de Penmarc'h, relayé par la presse nationale, va bouleverser la France entière. De nombreux dons seront faits pour venir en aide aux familles des victimes : 23 veuves et 45 orphelins.
Comment des marins expérimentés ont-ils pu être victimes de leur courage ? Le chenal de La Jument, très dangereux à franchir en venant du large, comme le prouva le naufrage des deux barques de pêche armées par les marins les plus habiles de nos côtes, était probablement invincible en sens inverse, contre vent et courant.
Les équipages des deux canots de sauvetage étaient parfaitement capables de mesurer le danger, mais ils voulaient sauver leurs camarades et, incapables d’abandonner la partie, ils ne craigaient pas d’en courir le risque et bravèrent courageusement la mort.
La fête des Cormorans de Penmarc'h prit, en août 1926, une ambiance inhabituelle
Elle comportait en effet, dans la matinée, une cérémonie du souvenir. Le journal parisien "Le Matin" offrait un mémorial aux marins de Penmarc'h pour les actes d'héroïsme accomplis lors des naufrages du 23 mai 1925 ; à l'occasion de cette célébration un défilé fut organisé. Le mémorial, bronze de 500 kg du sculpteur Falize, fut hissé sur le canot de sauvetage Léon Dufour posé sur son lourd chariot ; l'attelage fut tiré par des chevaux. Les canots Léon Dufour et Comte et Comtesse Foucher, précédés d’un défilé comprenant cavaliers, sonneurs de biniou et bombarde, noce bretonne, se rendirent à la chapelle Notre-Dame de la Joie où les personnalités prononcèrent des discours. Le mémorial fut ensuite déposé au phare d’Eckmühl. Ce trophée avait déjà été remis aux marins de Penmarc'h en 1913, en commémoration des sauvetages du 30 septembre 1912. Le mémorial fut transporté de Saint-Guénolé au phare d’Eckmühl le 7 août 1913, dans le canot Maman Poydenot ; l’attelage tracté par quatre chevaux précédait 300 personnes.